21 mai 2013

Le manichéisme de Hollande

Notre classe politique s’est enfermée dans un clivage virulent  qui ne laisse plus beaucoup de place à des échanges d’idées et autres débats constructifs. Place à l’invective et à l’insulte, on tire sur l’ambulance, on dégomme celui qui trébuche, on dramatise le moindre faux pas, on réclame des têtes à tous propos, on souffle sur la braise au-delà de toute raison, on surf sur la vague du mécontentement populaire en faisant fi de ses propres convictions. Ce qui compte c’est mettre l’autre en difficulté, caresser le peuple dans le sens du poil, un petit jeu toujours plus facile pour qui n’est pas aux affaires et n’exerce pas le pouvoir. Et il faut bien reconnaître que la gauche en général, Hollande et Ayrault en particulier, ont beaucoup appuyé leur stratégie de reconquête du pouvoir sur ce terrain là, en misant à fond sur l’anti-Sarkozisme. Ayrault étant en son temps le plus virulent des socialistes pour tacler la droite à tous propos.
Mais le pire de tout cela, c’est qu’ils semblent vraiment croire qu’ils sont plus vertueux que les autres, ils croient encore au clivage simpliste du bien et du mal, du blanc et du noir, de la gauche vertueuse et de la droite irrémédiablement illégitime par une violence inscrite dans ses gènes, dixit notre président « normal ». Un intervenant dans une discussion sur Facebook écrivait « le problème c'est que le PS est infesté à sa tête, par des femmes et des hommes de droite qui agissent et décident et tranchent comme des Copé et des Fillon ....et dénaturent les valeurs de gauche ». Comment mieux exprimer ce simplisme manichéen du bien – forcément à gauche – et du mal – suivez mon regard – et que si du côté du bien il y a du mal, alors ce sont des gens de droite qui s’ignorent !  Et donc, suprême excuse, si ça ne marche pas c’est qu’il y a dans la gauche des gens qui agissent comme des gens de droite ! On croit rêver devant autant de simplisme réducteur !
Et d’ailleurs l’acharnement sur Cahuzac – dont on aimerait semble t’il qu’il disparaisse à tout jamais – relève de ce clivage. Cet homme faillible, humainement faillible, qui a reconnu sa faute, assumé sa honte, démissionné de ses fonctions, serait dans cette prétention là un traitre définitif, marqué à tout jamais du sceau de l’infamie ?? Quelle est donc cette humanité qui ne laisse pas de place à la rémission et au pardon, où les fautes seraient irrémédiablement inamendables ?  Seraient-ils eux, d’une pureté sans failles pour se permettre une telle dureté dans leurs condamnations ? Qu’ils prennent garde à ces phénomènes massifs « d'ombre », au sens Jungien du terme : on rejette sur l'autre, sur l'adversaire, ce que l'on ne veut pas voir en soi-même. Je crains que notre président « normal » et une partie de son équipe soient porteurs de ce schéma intérieur simpliste, de ces fausses croyances qui nous entraînent collectivement dans ce clivage ravageur.
Bien sur la droite n’est pas innocente et la virulence en politique n’est pas un phénomène nouveau, mais elle s’autoalimente et ce clivage appelle en miroir chez l’adversaire les mêmes spécialistes (Copé) de l’agression primaire et bêtifiante dans une spirale qui prend ces derniers temps une ampleur particulièrement inquiétante car tout cela rapproche la politique "ordinaire" des pratiques d’un populisme dangereux qui en comparaison n’apparaît plus aussi stupide et déraisonnable.
Car au fond ce type de clivage entre les bons et les méchants tolère ce type de caricature qu’illustre la photo ci-dessous (trouvé sur une page Facebook) et que l’on a vu se développer à foison du temps du précédent gouvernement notamment autour du traitement de la problématique des campements Roms.


Il faut avoir la force de dire  « NON » et ne pas se laisser happer par ce type de facilité. Cette banalisation des choses qui entretient la confusion des idées et valeur est grave, inacceptable et insupportable. Egalement présente dans les mots (j’en ai parlé ici) elle contribue à rendre impossible les débats, à paralyser l’action, à pourrir les situations. Car objectivement, d’un gouvernement à l’autre et sur la question des Roms, à part la rhétorique, qu’est-ce qui a changé ?  Rien, car forcément la réalité l’emporte largement sur les intentions et les beaux discours. Et même au contraire, la virulence des militants encouragée par la gauche quand elle était dans l’opposition et qu’illustre assez bien l’outrance de l’illustration ci-dessus, oblige aujourd’hui cette même gauche à ne pas agir, et j’ai souligné ici les conséquences sur la problématique migratoire qui enfle un peu plus chaque mois, faute du courage nécessaire à une action ferme.
Cela pourrait bien rattraper un jour notre gauche vertueuse, victime d’un manichéisme qui a servi en son temps à séduire le bon peuple, mais qui bloque maintenant la politique offensive et décisive que les temps de crise réclament, car elle craint trop de ressembler à ce qu’elle a dénoncé hier avec succès, et dont elle entretien la flamme dans la poursuite de vindictes incantatoires et dérisoires. On pourrait s’en amuser si tout cela ne faisait le lit d’un populisme dangereux que l’on voit grandir sur ce terrain qui est d'abord le sien.
Attention la gauche, les flammes des bûchers de la vindicte oratoire ne masqueront pas éternellement le vide des intentions de l’an I et de l’an II. Il y aurait urgence à sortir de ce manichéisme primaire pour oser l’action ferme et courageuse, forcément imparfaite et à risque. A attendre l’action juste et parfaite, à la hauteur de l’image élevée que l’on a de soi-même, on risque surtout de faire trop peu ou trop tard, et de passer plus de temps à combattre la critique qu'à agir. J’espère de tout cœur me tromper.
Christian Chevalier

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